Entrevue avec Ian Akiwenzie

Entrevue avec Ian Akiwenzie

Interviewer: Franziska von Rosen (FvR)
Sujet interviewé: Ian Akiwenzie, Morningstar River Singers
Site de l’entrevue: Toronto, Ontario
Filmée par: Les Productions Pinegrove, Lanark, Ontario

Ian Akiwenzie : Je m’appelle Ian Akiwenzie et je suis membre des Morningstar River Singers.

FvR : Ian, pourriez-vous nous parler un peu de la signification du badigeonnage du visage?

Ian : Quand on se badigeonne dans le contexte du tambour, c’est qu’on veut supprimer toutes les influences extérieures qu’on est susceptible d’avoir ramenées avec soi. Alors, quand on s’approche du tambour, on ne veut avoir que des bons sentiments. Alors, quand on se badigeonne, c’est en quelque sorte une façon de nous purifier nous-mêmes, ainsi que ceux qui sont assis près du tambour, afin de faire disparaître toute négativité du lieu où on se trouve. On veut se sentir complètement bien quand on chante. Et cette sorte de purification se reflète dans nos chansons et notre façon de chanter.

FvR : Pourquoi vous utilisez la sauge?

Ian : La sauge est l’un de nos quatre remèdes médicinaux. On peut utiliser soit du tabac, soit de la sauge, du cèdre ou de l’herbe sainte. Simplement tout ce qu’il y a de disponible pour badigeonner ce tambour.

FvR : Pourriez-vous me décrire la structure de la chanson que vous étiez en train de chanter?

Ian : Le chanteur principal commence avec le rythme, un rythme approprié et un timing et ensuite il émet le signal de départ. Et il n’y a que le chanteur principal qui peut chanter cette première partie; il enchaîne avec la mélodie et il la chante et c’est ça, la première partie de la chanson. Viennent ensuite les autres chanteurs, nous tous ensemble, y compris le chanteur principal, qui se joint à nous et nous appuie. On la chante et on la répète.

Une fois cette partie terminée, vous entendrez les battements de contrôle, que nous appelons parfois des battements d’honneur, et ceux-là interviennent au beau milieu de la chanson. Et puis après, nous avons la seconde partie de la chanson qui vient juste après. Et là, c’est à peu près la même chose que la première, mais elle s’arrête juste après l’ouverture. Donc, on s’engage dans la deuxième partie de la chanson, qui est la deuxième phase, et c’est fini. Chaque temps dans la chanson s’appelle un refrain. Il y en a quatre en tout dans une chanson. Donc, on repète à peu près la même chose entièrement à quatre reprises. Alors, c’est comme ça que la chanson est structurée.

FvR : Par refrain, vous voulez dire une répétition complète?

Ian : C’est ça qu’on appelle un refrain, c’est une répétition complète. Du début jusqu’à la fin. Là, vous avez un refrain, après vous en avez un autre. D’habitude, il y en a quatre. Parfois, on a des inter-tribales. Alors, il y en aura cinq ou six. Alors, le Maître de Cérémonies ou quiconque dirige le powwow vous dira combien de répétitions vous devez faire. S’il dit six fois, alors ce sera six répétitions.

FvR : J’ai remarqué que ce n’est pas toujours la même personne qui dirige.

Ian : Eh bien, il y a dix ans ou même moins de dix ans, il n’y avait qu’un seul chanteur principal, et il était le seul à diriger. Mais maintenant, il y a tellement de chanteurs qui sont de plus en plus connus, qu’ils utilisent tous les chanteurs pour diriger. Cependant, d’habitude, la première personne qui donne le signal de départ tend à être le chanteur principal.

Alors, s’il y a des chanteurs qui interviennent pour diriger, ils n’interviennent que pour cette partie. Mais le chanteur principal est celui qui dirige la première partie. On a six chanteurs qui dirigent, mais on n’a qu’un seul chef, et c’est le gars à qui vous avez parlé (Eddie Robinson) et il nous dirige. Il établit le rythme approprié pour le tambour et pour les danseurs, et il sélectionne la chanson qui convient. Donc, même s‘il ne dirige pas la seconde partie, c’est lui le chef.

FvR : Est-ce que vous pourriez me dire la signification des battements d’honneur?

Ian : J’ai entendu plusieurs histoires différentes et certaines disent qu’ils représentent ces êtres de tonnerre, ou des coups de feu. Mais ces tambours existaient bien longtemps avant les coups de feu. Mais pour les danseurs et les chanteurs ils existent simplement, et quand vous écoutez, vous distinguez clairement le moment où la chanson est interrompue. Lorsque le battement d’honneur commence, divers danseurs font des choses différentes. Par respect, les danseurs traditionnels lèvent leurs plumes d’aigle, et les danseurs aux costumes qui tintent font de même. Ils lèvent leurs éventails et élèvent leurs prières. Mais ce n’est pas seulement quelque chose d’individuel.

Mais ce que fait ce battement d’honneur essentiellement, c’est qu’il intervient au beau milieu de la chanson, et quand vous l’écoutez, vous savez exactement où vous vous trouvez dans la chanson. Quand vous dansez, vous devez gardez vos oreilles ouvertes.

FvR: Quelles sont les qualités qu’un juge doit rechercher dans un bon tambour?

Ian: Eh bien, ça dépend des powwows. Mais quand ils doivent juger de la qualité d’un tambour, la plupart des juges se basent sur tous les coups d’envoi. Il faut que les coups d’envoi soient bien forts et clairs, et que le battement se fasse à l’unisson.

On ne peut pas se permettre d’avoir des bâtons qui ne s’accordent pas. Ils doivent tous jouer en même temps, et il est important que tous chantent la même chanson.
Il ne faut pas que quelqu’un se mette à chanter un autre morceau d’un autre chant. Normalement, ils veulent garder le lieu où se trouve le tambour bien propre. Pas de déchets, ni de mégots de cigarettes, ni rien de ce que vous apportez là. Ils veulent que l’endroit soit propre. C’est par respect pour la terre, et tout. Cela donne une idée du genre de chanteur que vous êtes, et aussi de votre quartier.

Et ils veulent aussi s’assurer que les battements d’honneur soient directs et que vous vous arrêtiez au bon moment. Tout le monde chante en même temps, à l’unisson, comme si c’était une seule voix. Alors, la pression est grande sur les chanteurs. C’est pour ça qu’on s’entraîne beaucoup afin de donner l’impression qu’on nous ne sommes qu’une seule voix.

FvR: Pourriez-vous me décrire vos sentiments lorsque vous êtes assis à votre tambour?
Ian : C’est une sentiment extraordinaire. Quand on est assis au tambour, et qu’on a eu une semaine un peu difficile, on arrive là, et on voit tous nos frères et toutes nos sœurs et tous nos amis, on s’assoit devant ce tambour, et tout l’entraînement qu’on y a mis. Et tous ces efforts, ils se voient quand on s’assoit devant ce tambour et qu’on commence à chanter. Et quand ça commence à venir, et que le cœur commence à battre plus vite, et on a ce grand sourire à l’intérieur de soi, alors, on chante à cœur-joie. En espérant qu’on verra bien ton esprit jaillir pendant que tu chantes pour les gens. C’est un sentiment formidable. Il nous remplit de fierté. C’est tout ce temps et tout cet effort qu’on a mis dans le chant. Ouais, c’est génial.

FvR: Combien de temps ça prend pour s’entraîner?

Ian : Eh, bien, je n’ai pas fini de m’entraîner. On s’entraîne constamment. On ne s’arrête jamais de répéter. Vous savez, si votre égo entre en ligne, et vous pensez que vous êtes un bon chanteur, alors vous cessez de répéter. Mais on essaye toujours de s’améliorer, parce qu‘il y a toujours de nouveaux chants. Ce ne sont pas toujours les mêmes chants. Alors on doit s’entraîner pour ces chants. On doit s’assurer qu’on les connaît par cœur. Ce qui fait qu’on n’a jamais fini de répéter et de s’entraîner. En fin de compte, c’est essentiellement une question d’entraînement.

FvR: Ian, pourriez-vous nous parler de l’origine de la chanson que vous étiez en train de chanter?

Ian: Le genre de chanson qu’on chante en tant que troupe de tambour appartient au style original qu’on appelle nordique. Ce sont de simples vocables. Il n’y a pas de parole dans ces chansons. C’est justement le style de chansons qu’on préfère chanter. Alors, j’ai composé cette chanson d’une seule pièce, et on peut la chanter à des inter-tribales, ou à n’importe quelle occasion que le chanteur principal décide de choisir.

Il s’agit en fait essentiellement d’une question de tempo. Aujourd’hui, on a utilisé cette chanson pour notre grande ouverture et on a pensé qu’elle convenait pour cette occasion et donc, c’est pour çà qu’on l’a chantée. Ça a été un honneur pour moi de chanter une de mes chansons.

FvR: Est-ce que vous la considérez comme une chanson d’honneur?

Ian: Eh bien, d’une certaine façon, toute chanson est une chanson d’honneur si elle est utilisée de façon appropriée. Ça vient de mon esprit. Beaucoup de personnes âgées et d’autres chanteurs nous ont dit qu’on peut vraiment chanter fort, et que chacun des membres de notre troupe sait exactement qui ajoute de l’esprit à l’événement, qui réveille tout le monde, et qui donne le ton pour ce qu’on veut réaliser. Alors, ouais, c’est une chanson d’honneur.

FvR: Est-ce que ce chant porte un nom?

Ian: C’est le numéro 7 sur votre CD. Vous savez que, quand on s’est assis et qu’on s’est mis à donner des noms à des chansons, ça nous a fait quelque chose. On aime bien lui donner un nom. C’est une question individuelle. Ça s’appelle le Style Ogee et ça donne en quelque sorte le ton, et annonce qui on est comme groupe, et où on se situe.

Vous savez, on aurait pu simplement les nommer régulières, mais on a voulu leur ajouter des noms. Si vous retournez en arrière de dix ou vingt ans, ils disaient simplement régulières, ou herbe, ou n’importe quoi. On est venu avec la génération qui écoutait des styles de musique différents et on avait une sorte de flair bien à nous et notre propre touche. On l’a baptisée the Style Ogee. Ça me plaît assez.

Eddie et moi on a grandi ensemble en écoutant la vieille école de Hip Hop et de R and B, enfin n’importe quoi. Eh bien, c’est dans les cours d’école de différents quartiers de Toronto. C’est un peu comme si on prenait la cour d’école et on l’amenait au tambour. Il y a cette belle émotion. C’est ce qu’on est, nous les chanteurs. On ne veut pas tous être stoiques. On est juste venu chanter des chansons régulières. Les costumes et les cravates, tout ça c’est bien. Il s’agit de notre individualité, de notre esprit. Ce que vous apportez au tambour. En fait, tout ce qu’on fait, c’est qu’on joue dans la cour, la cour d’école. C’est à peu près tout.

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