Aujourd’hui, dans l’Eeyou Istchee, le tambour de chasse, les chants de chasse, la tente tremblante et d’autres rituels associés à la survie ont largement disparu, parce que les Eeyous sont passés d’un mode de vie axé sur la chasse dans les bois à un mode de vie communautaire intégré à l’économie et les gens occupent des emplois. Cependant, les chansons et les danses au violon d’origine écossaise adoptées depuis le XVIIe siècle et les pow-wow traditionnels (danses, tambours et chants dans le style des Plaines) réapparus au XXe siècle et au XXIe siècle sont le résultat des interactions des Eeyous avec les travailleurs de la Compagnie de la Baie d’Hudson (CBH) et avec d’autres groupes autochtones en Amérique du Nord.
Les travailleurs écossais de la CBH qui ont travaillé dans les postes de la Compagnie à la baie James du XVIIe siècle au XIXe siècle ont apporté leurs violons, leurs chants et leurs danses, qui sont devenus une partie importante des traditions culturelles et musicales des peuples eeyous. Les Eeyous ont appris à jouer du violon et à exécuter les vieilles gigues et danses carrées écossaises des courtiers de la CBH. (Cheechoo [J. et D.], 2006, communication personnelle.) Les Eeyous se sont toujours montrés intéressés par les nouvelles façons de faire, les avancées technologiques et les nourritures inconnues. Après avoir entendu les chants accompagnés au violon et regardé les danses, ils ont pris goût à ces formes d’expression et ils les ont intégrées à leurs rassemblements estivaux.
Les hommes eeyous ont commencé à se procurer des violons, qu’ils pouvaient facilement transporter sur les pistes des terres de piégeage, où ils ont commencé à imiter les chansons qu’ils avaient entendues dans les postes de la CBH. Comme dans le cas des compétences de chasse, certains pères ont appris à leurs fils à jouer du violon et des chansons écossaises. La connaissance des chants de violoneux, des danses carrées et des gigues s’est ainsi transmise sur plusieurs générations de familles eeyoues. Beaucoup de gens savaient exécuter les gigues et les danses carrées. Certains hommes eeyous étaient même reconnus comme de très bons danseurs par les violoneux qui reconnaissaient leurs « pas », bien exécutés en fonction de la mélodie, du phrasé et du rythme des chansons. (Small, 2006: communication personnelle.)
Les danses de violon du passé avaient généralement lieu deux ou trois fois par semaine. Il s’agissait surtout d’une activité estivale, pour célébrer un mariage suivi d’un festin. Le festin incluait toujours de l’oie, de l’orignal, du poisson, du pudding, du bannock et du thé au début de la soirée. Après le festin, on tenait la danse dans une maison ou un autre bâtiment suffisamment vaste. Les Aînés se souviennent que pendant ces danses, il n’y avait pas de consommation d’alcool. Les jeunes garçons s’occupaient généralement du feu à l’extérieur. Les gens prenaient leur eau dans un tonneau en acier de 45 gallons. Certains aînés se souviennent que les danses de violon étaient exécutées dans n’importe quel ordre. D’autres, par contre, évoquent un « programme » de danses de violon. Pour lire ce qu’un danseur célèbre, James Small, dit à propos de ce type de danses, cliquez sur ce lien.
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Selon certains aînés, ce « programme » de danses de violon commençait avec n’importe quel air de violon, suivi de quatre danses carrées pour les personnes âgées, puis de cinq autres danses carrées, dont la dernière était un air de violon de type breakdown pour les gigues individuelles. Pour en apprendre davantage au sujet des différents styles de gigues et de la manière dont une danseuse, Barbara Baldhead, les utilise aujourd’hui, cliquez sur ce lien.
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Peu de temps après, un autre programme de quatre danses carrées suivies de cinq danses carrées et d’une autre pièce plus dépouillée était exécuté par deux à trois autres violoneux qui se relayaient. Au bout de deux à trois heures, une fois ces deux programmes terminés, on prenait une pause d’environ une demi-heure avant d’en commencer un nouveau. Parfois, un programme de danses de violon complet pouvait durer des heures. L’un d’eux s’est même étiré jusqu’à cinq heures du matin! Quelle que fût l’heure de la nuit, la danse du baiser annonçait la dernière danse carrée de la nuit.
Au commencement de la danse du baiser, une femme ou un homme utilisait un mouchoir pour chercher un partenaire avec qui danser. La femme ou l’homme mettait le mouchoir autour du cou de la personne choisie, puis déposait un baiser sur la joue de cette personne. La personne choisie gardait le mouchoir autour du cou et commençait à danser avec la personne qui le lui avait mis. Après avoir dansé pendant un court moment, la personne qui avait maintenant le mouchoir répétait le processus et cherchait un nouveau partenaire. Le premier danseur cherchait aussi un autre partenaire. Ce processus continuait jusqu’à ce qu’il y ait beaucoup de danseurs sur la piste. Pour mettre fin à la danse, une femme se rendait au centre du cercle de danseurs et embrassait un homme, après quoi elle retournerait à sa place. L’homme ainsi embrassé se rendait au centre, dansait pendant un court moment, embrassait une femme dans le cercle, puis allait s’asseoir. Ce processus se poursuivait jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un seul danseur. La dernière personne restée avec le mouchoir allait le mettre au cou du violoneux. Le violoneux se rendait au centre de la piste tout en jouant du violon, puis terminait le morceau à son goût. Pour un aperçu de cette danse dans un clip vidéo, cliquez sur ce lien.
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Aujourd’hui, les violoneux eeyous interprètent encore des chansons comme Soldier’s Joy ou Bread ’n’ Butter et exécutent des danses carrées et des gigues comme la danse de la loutre, la danse du lapin, la danse du canard, la danse du baiser ou le breakdown. Cependant, les violoneux eeyous ont ajouté leur propre touche culturelle à ces chansons écossaises en les jouant dans un « style libre » où les temps et la longueur des sections, strictement fixés dans la tradition écossaise, sont plutôt improvisés par chacun des violoneux. (Office national du film du Canada, 1980.) Pour en apprendre davantage sur le style des violoneux, vous pouvez cliquer sur ce lien qui présente une entrevue avec James Cheechoo, un violoneux de renom de la baie James.
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De même, les gigues et les danses carrées écossaises ont adopté un style eeyou, dans des pièces portant des noms comme In chuuk hiigan (danse de la loutre), Waap shuu daow (danse du lapin) ou Ka shiip hood aa nah nuuts (danse du canard) dans lesquels les mouvements se veulent similaires à ceux des animaux sauvages représentés. D’autres noms de danses se rapportent à des aliments, comme la sigaboniekan, dans laquelle on fait tourner son partenaire, comme la bernache qui cuit à la broche en tournant au-dessus d’un feu ouvert. (Cheechoo [J. et D.], 2006, communication personnelle.) Pour voir des extraits vidéo de danses carrées à Moose Factory, cliquez sur ces liens.
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Dans une moindre mesure, certaines communautés eeyoues se familiarisent avec les chansons, les danses et les styles de percussion au tambour associés aux pow-wow traditionnels panaméricains présentement pratiqués dans une grande partie de l’Amérique du Nord. Par conséquent, en raison des voyages, des migrations et des voies de communication de l’époque moderne, certains Eeyous ont fait l’expérience de chansons de tambours, de styles de chant et de danses comme les danses de l’herbe, les danses libres ou les danses intertribales, et les ont rapportés dans leur communauté. (Cheechoo [A.], 2005, communication personnelle.)
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Pour lire le récit de la manière dont Cynthia Rickard a reçu sa tenue cérémonielle et est devenue danseuse de pow-wow, rendez-vous sur ce lien.
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Pour visionner un extrait vidéo d’une danse intertribale à l’occasion du rassemblement de Moose Factory en 2006, cliquez ici.
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On ignore encore dans quelle mesure ces danses sont devenues « eeyoues » dans leur exécution, car elles n’ont émergé que très récemment, au cours des trois dernières décennies.
Bibliographie
Bearskin, Mary, and Paul Cash. 2006. Personal communication (phone). Chisasibi: Elders Council
Cheechoo, Archie. 2005. Personal communication. Moose Factory: Home residence
Cheechoo, Daisy. 2006. Personal communication. Moose Factory: Home residence
Cheechoo, James. 2006. Personal communication. Moose Factory: Home residence
Flannery, Regina. 1995. Ellen Smallboy Glimpses of a Cree Woman’s Life. Montreal: McGill-Queen’s University Press
Hudson’s Bay Record Society. 1949. The Publications of the Hudson’s Bay Record
Society: Isham’s Observations and Notes 1743-1749. 1949, reprinted 1968. London: the Hudson’s Bay Record Society.
Kawapit, John. 1978. J. Garth Taylor Collection “Cree Music” III-D-35T (4:107) Ottawa: Canadian Museum of History Audio-Visual Archives.
Louttit, Agnes. 2005-06. Personal communication. Moose Factory: Home residence
Morantz, Toby. 2002. The White Man’s Gonna Getcha: The Colonial Challenge to the Crees in Quebec. Montreal: McGill-Queen’s University Press.
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Preston, Richard. 2002. Cree Narrative: Expressing the Personal Meanings of Events. Montreal: McGill-Queen’s University Press.
Richardson, Boyce. 1991. Strangers Devour the Land. Vancouver: Douglas and McIntyre.
Small, James. 2006. Personal communication. Moose Factory: Cree Ecolodge